compte-rendu : week-end 13-14 novembre 2021

3e pratique croisée, Graham & Yoga

Le professeur a demandé aux participant.e.s de se mettre en tailleur et de fermer les yeux. ll leur a proposé de joindre nos mains en dessous du nombril, afin d’essayer dans un premier temps de joindre leurs énergies vers cette région connue pour être le centre de gravité du corps dans diverses pratiques dansées. Cette connexion vers « le centre de soi », n’est que le début d’une ascension qui se poursuit vers « le cœur », les mains remontant sur la poitrine et toujours jointes se déposant en dessous du sternum. Le point culminant sera « le troisième œil », troisièmes et dernières étapes de cette proposition spirituelle.

Le développement de la Technique Graham et de son enseignement a vu émerger une branche particulière, en lien avec la curiosité spirituelle de son auteure, intéressée par une spiritualité profonde, une connexion aux énergie, qui nous sont à la fois propres mais aussi extérieures. Il est parfois possible d’utiliser le concept de chakras dans la Technique Graham, pour conscientiser les énergies du corps et de l’âme. 

Cette quête énergétique, spirituelle, sensorielle et le lien avec les chakras ne sont pas sans rappeler une pratique venue d’Inde qui s’est également développée dans le monde et dans la culture occidentale, dont a fait partie Martha Graham. C’est notamment dans sa formation de danse à la Denishawn School qu’elle a pratiqué le Yoga et intégré ses principes. Il était si naturel, pour l’équipe de Graham for Europe, de proposer un troisième week-end de pratique croisée autour du lien qu’il existe entre le Yoga et la Technique Graham.


« Martha Graham est un mystère pour moi ». 

Si pour certain.e.s, Martha Graham se présentait comme un mystère au début du week-end, pour d’autres, c’était la pratique du Yoga qui leur paraissait énigmatique. Par l’intermédiaire des deux intervenants du week-end ; Gildas Lemonnier, qui a dansé pour la Martha Graham Dance Company et professeur de Yoga ainsi que Hélène John-William artiste danseuse, comédienne et chanteuse, que le voile s’est levé sur ses pratiques a priori peu saisissables. La créativité et la diversité des savoirs des deux professeurs ont permis d’enrichir deux jours de partages, d’échanges oraux et sensoriels autour des émotions et des sensations communes à tout un chacun. 

  • Un voyage vers soi

« La danse est comme un voyage ».

Le week-end a débuté par la pratique du Yoga. Hélène John-William a démontré aux participant.e.s l’importance d’un état de conscience presque permanente, leur permettant de développer une perception spatiale du corps toute particulière et enrichissante dans une pratique dansée. Après une pause, l’enchaînement d’un cours de Technique Graham dispensé par Gildas Lemonnier a révélé des liens évidents : dans la connexion au sol, aux énergies, mais aussi dans le rapport au centre du corps et l’initiation du mouvement dans le bassin, autant en Yoga qu’en Technique Graham. 

« Un œil ouvert à l’intérieur de soi ».

Le constat est fait, il est possible de construire son corps dans le mouvement à partir d’une recherche intérieure. La conscientisation se fait sur la colonne vertébrale, telle un tronc d’arbre, qui au centre du corps, regorge de toute l'énergie de vie intérieure. D’ailleurs, l’arbre de vie est un symbole utilisé par Martha Graham, dans les premières lignes de son autobiographie, Mémoire de la Danse, démontrant que la respiration intérieure du corps est liée à l’énergie de vie en chacun de nous. Selon Gildas Lemonnier, il est parfois difficile de comprendre ce qui se passe en nous, d’autant plus que nous sommes toutes et tous différent.e.s.. Il lui a fallu du temps avant de trouver pour lui-même ce que signifiait la figure la plus mythique de la Technique Graham, le contract release. « Comprendre, c’est sentir dans le corps avant l’extérieur » dit-il, il est essentiel de revenir à soi dans un premier temps, par la conscientisation du geste, avant même d’être en mesure de saisir la complexité extérieure de notre rapport à nous-même. 

  • Un chemin vers l’extérieur

« L’apparente extériorité »

Ce retour à soi dans un premier temps, permet de donner au mouvement de l’individu une qualité essentielle et propre. Cette liberté trouvée à l’intérieur de chacun des participant.e.s, les a rendu aptes à expulser leurs énergies intérieures dans l’espace, ce qui, revient à définir un sens que l’on peut donner à la danse : une expulsion extérieure dans l’espace, d’un sentiment intérieur. 

« La bienveillance du groupe »

Ce fut la remarque commune relayée lors du temps d’échange final du week-end. Le rapport aux autres peut être difficile, ainsi que le rapport à un soi extérieur, comme celui que l’on voit dans un miroir. Pourtant, c’est par un premier rapport à soi que les participant.e.s ont pu développer un lien particulier vers les autres et l’extérieur. La bienveillance des deux professeur.e.s fut un atout majeur et une aide précieuse pour chaque personne, qui a pu évoluer dans une ambiance sereine et à l’écoute. 

Selon Hélène John-William, il existe plusieurs sphères spatiales et cognitives dans lesquelles nous évoluons tout au long de notre vie. La première est physique, la seconde est émotionnelle et la troisième et dernière est spirituelle. Le troisième week-end de pratique croisée proposé par Graham for Europe, fut l’occasion de naviguer entre ses différentes sphères, mais aussi entre des espaces physiques et émotionnels. La Technique Graham se liant au Yoga, il a été possible de franchir les limites du traditionnel cours de danse, tout autant que les limites personnelles que chaque individu porte en soi. 

Laura Rivet, assistante de recherche du ParisLab

Rafael Molina